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L’entrée en Montagne

par | 31 décembre 2010 | 1 commentaire

Dans un pays aussi enclavé géologiquement, géographiquement (et politiquement) que le Népal, muni d'infrastructures déficientes et délabrées, où le train n'existe que par le prolongement sur quelques kilomètres d'une ligne Indienne, les moyens de déplacements sont soit lents, soit rustiques, soit aléatoires, soit dangereux, et peut-être bien même tout ça à la fois !

Dans un pays aussi enclavé géologiquement, géographiquement (et politiquement) que le Népal, muni d’infrastructures déficientes et délabrées, où le train n’existe que par le prolongement sur quelques kilomètres d’une ligne Indienne, les moyens de déplacements sont soit lents, soit rustiques, soit aléatoires, soit dangereux, et peut-être bien même tout ça à la fois !

Pourtant, alors que nous autres occidentaux qui vivons dans un pays où un simple contrôle technique périmé ou une absence de ceinture sont passibles d’une amende, nous qui râlons volontiers contre les excès de protectionnisme citoyen et les tarifs sans cesse à la hausse des assurances, il peut être instructif de comparer le coût réel de cette emprise sur notre « liberté », et d’apprécier selon notre sensibilité de quel côté nous préférerions être…

Une deuxième journée freeride à Pokhara

Tangi avait prévu cette deuxième journée avant d’attaquer le plat de résistance de la grande montagne. Le temps était beau et doux. Nous avons largement profité des navettes avec le van, pour refaire des descentes de la veille ou en tester de nouvelles, avec notamment un départ matinal au-dessus de la mer de nuages, toujours sous la protection permanente de la montagne sacrée, le très esthétique « Cervin Himalayen », le Machhapuchhare (6993m).

Commande spéciale de « momos » avant le déjeuner au Potala Tibetan restaurant, une petite gargote sans prétention sur Lakeside dont la jolie patronne Tibétaine prépare à merveille cette spécialité de raviolis fourrés de diverses préparations épicées avec ou sans viande.

Tandis que les garçons se refont un dernier ride en fin de journée, nous préférons profiter avec Banana d’un peu de détente hors bike et downtown, dans la douceur de vivre de Pokhara, avant de démonter les vélos pour le vol prévu demain matin vers Jomsom, et de terminer par un autre repas indien.

"Banana, je veux un souvenir !"

« Jour blanc », ou les hésitations de Yeti Airlines

Ce matin du 25 novembre était le jour clé de notre séjour. Après un nouveau démontage et packetage de nos biclous, nous étions fin prêts avant le lever du soleil pour rejoindre l’aérodrome de Pokhara dans nos éternels mini-taxis Suzuki, afin de relier par air Jomsom, point central au coeur du Mustang, la région des grands treks himalayens.

Tellement en avance que les gardes en ouvrent juste les grilles à notre arrivée, et que nous sommes les premiers à l’enregistrement avec notre gros barda. Les portiques magnétiques débranchés et les fouilles de sécurité sont assez folkloriques, mais ils semblent néanmoins étrenner un tout nouveau scanner à bagages, signe que les consignes aériennes de sécurité touchent même les endroits les plus reculés.

A 7h00, nous sommes parés pour un décollage prévu à 7h45 sur un de ces petits bi-moteurs qui embarquent une vingtaine de passagers.

Mais le temps passe. Et tandis que la salle d’attente du petit aérodrome se remplit progressivement, à la fois de Népalais et de touristes occidentaux, les nouvelles sont de plus en plus floues, tout comme le temps qui est invariablement brumeux. Des conditions peu propices au décollage des avions dans ces régions montagneuses dangereuses où le pilotage « à vue » exige un minimum… de visibilité.

Malgré plusieurs allers-et-retours de nos bagages vers l’avion, Yeti Airlines ne se décide pas à voler. Un groupe de touristes français commence à angoisser face au risque de louper leur correspondance retour à Katmandou, et nous demande de jouer à l’intermédiaire linguistique pour obtenir des infos plus précises. Ceux-ci auront de la chance, ils prendront finalement le seul avion qui décollera aujourd’hui pour la capitale Népalaise.

Fini pour aujourd’hui. Les avions ne volent pas en montagne l’après-midi, car le vent y est souvent trop fort. Nous retournons à Lakeside pour bien manger, se détendre, faire du « vrai » tourisme avec des vélos prêtés par Tangi (les nôtres étant démontés et packetés), en espérant que le ciel veuille bien s’ouvrir demain pour une nouvelle tentative.

Conciliabules sur le tarmac...

Un choix cornélien

Le matin du 26, Tangi part seul faire le guet à l’aéroport tandis que nous faisons trainer la matinée en longueur pour la première fois du séjour. Selon notre doigt mouillé, le temps est plus dégagé que la veille, avec toujours un peu de brume mais des éclaircies plus franches. Cette fois-ci ce sera la bonne !

Mais le temps passe, et Tangi fini par nous annoncer que les avions resteront à nouveau cloués au sol aujourd’hui…

Un choix crucial se pose désormais : ou bien prendre le risque d’attendre à nouveau le jour suivant que les avions décollent, avec la difficulté des reports de billets et des vélos qui ne tiennent pas dans un seul avion, ou alors choisir l’option route/piste, qui nous prendra au bas mot un jour et demi, avec 70 km et 2200 m positifs  (contre 30 minutes en avion)…

L’avantage de l’option route : la journée d’acclimatation prévue n’est plus nécessaire, et nous entrons finalement en montagne par la « grande porte », celle de l’effort, de l’engagement, et de la découverte progressive d’un monde à part.

Les quatre membres du groupe se concertent, et l’option route se confirme très vite, malgré ce qu’elle implique en effort supplémentaire. Plus question d’attendre encore, nous sommes venus pour la montagne, nous irons à la montagne !

Tangi s’adapte à la vitesse de l’éclair à la nouvelle situation et organise une nouvelle réservation du van pour nous conduire à Beni, d’où nous poursuivrons à vélo. Le van ne continuera pas au-delà, car il n’est pas adapté à la difficulté du terrain. L’état de la piste qui monte vers Jomsom, parfois exposée, parfois défoncée, est très aléatoire, en plus d’être relativement risquée.

Pokhara, Beni, Tatopani

Le barda du groupe est vite embarqué, et on décolle (enfin, façon de parler) presta vers Beni, 70 km plus loin.

Une fois sortis du plateau, la route se fait plus sinueuse et étroite, tandis que le bitume finit par disparaitre complètement. Le reste n’est que trous et bosses, ornières, voie réduite par des glissements de terre en amont, ou de morceaux de piste vers l’aval. On avance donc pas vite, mais notre chauffeur, pour sa dernière course avec nous, maitrise toujours aussi bien son affaire.

Beni est une ville assez importante, mais la seule vision que nous en garderons est cette grande esplanade de terre au bord de la rivière Kali Gandaki, sorte de gare routière pour les bus, camions et 4×4 qui font le trajet vers Jomsom, voire au-delà. Un peu pressés par le temps, nous remontons les vélos devant une gargote choisie au hasard, dans la poussière, les détritus et les eaux usées, sous le regard étonné des enfants et autres locaux. Une noddle soup super épicée avalée sur un coin de table, en moins d’une heure nous sommes opérationnels et entamons notre lente remontée, tandis que Laxman notre sherpa nous suivra en bus avec nos sacs.

On est pas mécontents d’être à nouveau sur le vélo, avec 20 km de piste à parcourir pour environ 500 m positifs. En cette fin d’après-midi le trafic n’est heureusement pas trop dense, et on ne respire pas encore des kilos de poussière immédiatement soulevés lorsqu’un bus ou un camion surchargé nous croise. Et on a beau globalement monter, la vitesse des véhicules motorisés est à peine plus élevée que la notre, alors qu’à la moindre descente, nous sommes les plus rapides.

La remontée progressive des gorges nous fait passer dans des paysages de plus en plus majestueux

Tandis que le soleil décline rapidement derrière les parois de gorges de plus en plus profondes et resserrées, on voit furtivement des sommets rosés apparaitre dans le fond, mais haut, très haut : le Nilgiri est ici, les Annapurnas sont là !

La question du soir : aurons-nous besoin de la frontale pour atteindre Tatopani ? Finalement non. Alors que le crépuscule et la patience de Banana sont tous deux bien entamés, nous entrons enfin dans le village et le Trekker’s lodge pour une excellente soirée de détente, dans un air encore assez doux, avec douche chaude, baignade nocturne dans les sources chaudes pour Florent et Astérism, diner copieux et gouteux aux chandelles (coupures de courant), avec une excellente nuit de récupération.

Prochain épisode : la longue route vers le Mustang et notre première descente en altitude