Dans : À pieds

Kilomètre vertical, un escalier vers le paradis ?

par | 21 juin 2014 | 2 commentaires

Après quelques tentatives sommes toutes réussies en trail courte distance et en raids multi-sports, le simple fait que ma moitié n'a plus ses genoux en état pour courir, et que nos sorties outdoor sont déjà denses et variées, ne m'ont pas poussé à persévérer. Par ailleurs, et pour profiter pleinement de l'activité, il faut s'astreindre à un entrainement régulier et méthodique, ce qui chez nous est plus une contrainte qu'un plaisir !
Le spot 4* au-dessus de la Vésubie, avec Venanson en face, et l’ombre de la Cime de Palu qu’il va falloir grimper 2 heures plus tard
Cela n’empêche que pour maintenir un bon état de forme, je cours au moins une fois par semaine toute l’année, dans les parcs voisins de la Valmasque et de la Brague. Ceci ajouté à nos randonnées en vélo de montagne le week-end (et en raquettes en hiver), où la poussette et même le portage sont finalement assez fréquents, et parfois agrémentés d’un mode « bourriquet » (allers-et-retours dans la montée pour porter le vélo de Banana pour la soulager), font que le mode « trailer » reste familier.

Trail

trail06-2014La planète Trail a véritablement explosé ces dernières années. Les épreuves de masse se sont démultipliées en tous sortes de lieux, parfois bien loin des montagnes qui l’ont vue naitre, et la variété des formats aussi : courte, moyenne ou longue distance, quand ce ne sont pas les « ultra », avec des chiffres et des dénivelées qui défient l’imagination… et aussi un peu l’ego des participants au passage, avec pour icône absolue : Kilian Jornet, l’extra-terrestre des sommets.

C’est l’escalade du « toujours plus loin, plus haut, plus dur, plus fort », et cela ne se fait pas sans sacrifices, à la fois pour la vie de famille, mais aussi pour le corps, qui encaisse et… comptabilise les traumatismes qu’on lui inflige.

Est-ce l’âge, ou peut-être encore la conscience exacerbée de cette notion de « capital santé », ou un sens plus aigu des priorités, du rapport souffrance/plaisir, de l’envie de durer, de profiter pleinement de chaque instant, d’un aiguillon de la compétition émoussé, ou un peu de tout cela à la fois ? En tous les cas nos pratiques et notre engagement se sont progressivement dosés à une vision plus équilibrée des choses.

Évidemment, il faudra toujours souffrir un minimum pour aider le corps à maintenir cette influx, ce souffle et ce dynamisme, et ainsi continuer à profiter pleinement du spectacle de la nature et de son terrain de jeu. Mais pas au-delà de ce qu’il nous autorise encore, et toujours à son écoute attentive et respectueuse.

Le KV

Découvert il y a deux ans lors de sa première édition à St Martin-Vésubie, ce format de course trail est aussi simple qu’atypique : « 1000 mètres de dénivelé (au moins) sur la plus courte distance possible, à effectuer contre la montre. »

Pas mal d’avantages à mes yeux sur ce type de course :

  • le format est court, une heure ou un peu plus, pas besoin de travailler une grosse endurance toute l’année,
  • seuls un bon coeur et un bon rapport poids/puissance suffisent,
  • discipline peu traumatisante pour les articulations (en gérant bien la descente après la course),
  • les départs individuels toutes les 30″ font que l’on double et que l’on est doublé selon les niveaux de chacun, on est jamais seul,
  • on parcourt du vrai et du bon sentier de montagne,
  • on arrive sur un sommet, avec la récompense du panorama, et les encouragements des spectateurs/supporters,
  • enfin le chrono aux 1000m donne une bonne référence d’un état de forme à un instant donné.

Ayant raté l’édition de 2013, qui faisait partie du championnat de France de Trail au passage, j’ai donc planifié cette première expérience pour l’édition du 21 juin 2014.

Ma préparation n’a pour ainsi dire pas changé : footing 10 km hebdomadaire, randos vélo de montagne, et simplement deux sessions plus spécifiques : une montée de 600m à la tête de Giarons, au-dessus de Roubion la semaine précédente, et 850m depuis Pont-du-Loup vers Col de Cavilore via Gourdon et son célèbre chemin du Paradis quatre jours avant pour m’évaluer un peu quand même. Le test était concluant, bonnes sensations et chrono décent !

La joie de l’amateur découvrant ses capacités 🙂

La course

Arrivés la veille au soir à St Martin Vésubie avec le SOvan, on « jardine » un peu pour trouver un spot agréable, paisible et si possible éloigné des nombreuses habitations de la petite Suisse Niçoise. Après une bonne montée de piste forestière, nous dénichons notre spot 4* et dinons enfin, avec une vue surplombante sur la vallée de la Vésubie.

Avec près de 400 inscrits et des conditions météo parfaites, cette course est un succès. Il faut dire que l’organisation est vraiment sans défaut, avec un tarif d’inscription modéré, un tee shirt technique offert, et la pasta party après l’effort.

Pas mal de connaissances rencontrées avant le départ, la plupart vététistes de longue date. Claudius, un reconverti désormais trailer habitué, me conseille une séance d’échauffement que je suis de bon gré, avec quelques courtes montées enchainées à rythme élevé. Pour un novice comme moi, l’exercice est plutôt inquiétant : je me retrouve essoufflé en quelques instant, mon maillot est déjà à moitié trempé, mon mollet gauche me tiraille bizarrement, tandis que mon genou droit laisse paraitre un point douloureux… Je commence alors à me demander à quelle sauce la longue heure qui suit va-t-elle me manger !

Aucune pression néanmoins. Mon pote vététiste Franco part cinq minutes devant moi, en m’assurant que je devrais le rattraper tôt ou tard. Un départ décalé, avec une très courte « liaison » entre le centre du village et un fond de vallon, balise 337, où se situe le début du chronométrage, point de départ du sentier montant directement à la Cime de la Palu, 1150 m plus haut et 4,4 km plus loin, à 2132m.

On m’avait prévenu de la difficulté des 300 premiers mètres, plus raides que le reste de l’ascension, alors je suis parti calmement, en marche rapide, pour me faire doubler quelques minutes après par deux poursuivants de ma catégorie, qui couraient, avec des bâtons. Houla ! J’espère que je ne suis pas seul en mode promenade dynamique 🙂

Comme beaucoup, je m’étais posé la question de l’usage des bâtons, une aide pour certains mais qui exige un minimum d’habitude. Il faudra essayer une autre fois. Quant à moi, il m’arrive aussi de doubler. Les dernières filles parties avant nous, ou des V3 qui précèdent un gros groupe de V2 dont je fais partie.

Concernant les catégories d’âge, j’ai appris à cette occasion que Vétéran 2 concernait les 50-59 ans, et qu’il me restait de ce fait 3 ans avant de passer à la très honorable V3.

La montée est balisée tous les 100m de dénivelé, ce qui permet de la gérer au mieux. Les instants de répits, avec du faux-plat montant se comptent sur les doigts d’une main, et ce seront les seules portions où je m’astreindrai à courir un peu. Sinon je profite de mes grandes jambes pour pratiquer ce que j’appellerais : de la marche efficace 🙂

Aux deux tiers du parcours, je souffle beaucoup mais arrive à maintenir un rythme constant, pas sans souffrance mais sans douleur, la distinction est subtile. Et puis j’aperçois le pote Franco qui n’est pas dans un bon jour. Échange de quelques mots d’encouragement mutuel arrivé à sa hauteur, et chacun continue au rythme qu’il peut supporter.

Passage des 1000m (chronométré à 57’02 », soit 1050 m/h 😛 ) tandis que l’approche du sommet se durcit, avec les muscles qui en font tout autant. On quitte le sentier en balcon pour passer en « dré dans l’pentu ». Comme toujours à l’approche de l’écurie je retrouve quelques restes d’énergie enfouis pour relancer, aidé par les spectateurs et autres coureurs déjà arrivés de plus en plus nombreux.

Ne connaissant pas le parcours, je suis un peu surpris par le passage d’une bosse de crête que j’avais assimilé à l’arrivée, alors que la cime est encore 200m plus loin ! Mais peu importe, ça se trotte, et le panorama circulaire qui s’ouvre à nos yeux, tandis que le coeur relâche enfin et doucement sa pression, après 1h05’29 » de rythme effréné, est la récompense méritée et tellement appréciée de ce tout premier Kilomètre Vertical !

Galerie

2 Commentaires

  1. Julien Forissier

    Salut !

    Bravo pour la performance, il faut je trouve, une belle motivation pour se lancer sur une telle épreuve ! Surtout avec un entrainement modéré !
    Je suis comme toi, depuis quelques années, j’ai complété et même parfois remplacé le VTT par la course à pied en mode « trail ». Bon mes parcours d’entrainement très modeste ne dépassent pas 2h, et 500-600m de D+. J’essaye de garder des parcours ou je peux courir tout le long. Sinon, ce n’est pas drôle et c’est de la rando pédestre, ni plus ni moins, sans le coté ludique de la course.
    C’est en fait toute la difficulté du trail. A savoir réussir à trouver des parcours ludiques, à son niveau on l’on se sent à l’aise pour courrir sans arrêt et ou l’on déroule les kilomètres.
    Je reste assez circonspect quand je vois les gens s’engager sur des « trails longs », ou la souffrance dépasse finalement le plaisir d’être là… La où un « Kilian Jornet » va se balader en petite foulée tout le long du parcours, le péquin moyen va devoir marcher dans toutes les montées. C’est assez frustrant je trouve.
    Au moins l’avantage des marathons VTT, type raid Vauban, Transvé, même si c’est extrême et si l’on en « chie » un max en montée, on a la récompense des descentes d’exception.
    Du coup je n’ai encore pas osé me lancer sur une épreuve organisé de trail. En fait, je me dis que ca ferrai juste du bien à l’égo d’avoir « participé ». Pour le reste prendrai-je plus de plaisir qu’en courant tout seul de mon coté ?!

    Alors je te rejoins sur le KV, ou même sur les trails courts, qui sont finalement le pendant du « cross » à l’ancienne. Un truc ou tu vas t’arracher sur 1h ou 2h. Pour les gens qui « font du sport » sans se spécialiser course à pied, c’est le bon format.

    Je n’ai jamais pu me vouer à m’entrainer au sens strict du terme et je suis trop multi-activités pour me résoudre à n’en faire qu’une.
    Aujourd’hui, le parapente à pris le dessus sur le reste, sur le VTT et sur le ski de rando.
    Malheureusement, je me suis blessé (poignet cassé et cheville en vrac) et pour le moment je suis aux arrêts ! Dur dur pour le moral, moi qui habituellement fait tout pour justement essayer de ne pas me blesser pour pouvoir pratiquer toute l’année du sport orienté « loisir », sans velléités.

    Donc je me dis qu’à trop vouloir me consacrer au parapente, à vouloir progresser, je prend plus de risque. C’est l’accident, heureusement bénin, et je peux plus faire de sport jusqu’à fin juillet… Ce n’est qu’une petite blessure. Mais quand je vois ce que certains s’infligent comme charge d’entrainement je me dis que ces gens là ne dureront pas. C’est physiquement impossible. Et moi mon but, c’est de pouvoir encore rouler, voler et skier à 60 balais et même plus…

    Je vous envie avec vos kayak de mer, je rêve d’en refaire, il faudrait vraiment que je profite de louer une année pour aller me balader du coté de chez vous. Depuis pas mal d’année que je suis vos activités et celle d’autres personnes rencontrés par forum interposé, je trouve que vous, vous avez su trouver la bonne formule pour avoir une pratique durable. Je connais aujourd’hui des gens qui ont beaucoup roulé ou skié et qu’on ne voit désormais plus aujourd’hui. Blasé, lassé ou simplement occupé par autre chose (maison, famille…)

    A bientôt !

  2. Pierrot

    Eh bien merci pour ce commentaire qui devient du coup le plus long depuis les débuts de ce blog ! 😉
    Visiblement ton cheminement et ta réflexion aboutissent à une conclusion semblable à la notre : « se faire plaisir pour durer, durer pour se faire plaisir ».
    Quelque soit l’activité pratiquée en montagne, le risque de blessure n’est jamais absent, mais cependant contrôlable dans son engagement, ses choix, et la bonne connaissance du terrain et de ses capacités.
    Le grand avantage du kayak de mer, c’est que ce risque est moindre (à condition là aussi de connaitre et respecter l’élément marin) et que même blessé du bas, la pratique est possible.
    Il y a pas mal d’anciens du parapente ou de la montagne dans cette discipline, certains n’ayant plus d’autre choix car trop « abimés » dans leurs activités respectives. Et nous avons croisé des pagayeurs qui dépassaient allègrement les 80 ans.
    Tout cela est un subtil équilibre de vie, entre famille, travail, lieu de vie, sports nature pratiqués, et bien sûr, capacités physiques, qui n’est pas non plus la chose la mieux partagée, et qui doit d’autant plus être préservée 😉

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  1. ASCVTT» Archive du blog » Frissons à Ferisson - […] (@jj : alzheimer?). On a fait le KV de St Martin à l’envers. Dans l’autre sens, ça doit être plus…

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